Big time name dropping #05 / Nebraska

Big time name dropping #05 / Nebraska

Ensuite, il y a eu ce regard de Johnny Cash. A nouveau, je n’y pensais pas beaucoup à ce moment-là et pour moi, c’était un jour comme les autres, c’était les années 90 et Johnny était de retour avec quelques nouveaux morceaux et quelques reprises et s’était booké des concerts en Europe. La foule a aimé et a applaudi, alors qu je traînais dans les coulisses en attendant la fin de la nuit pour planifier les tâches du lendemain. J’étais coordinateur du son, j’étais exactement au bon endroit pour mon job, m’assurer que tout le monde était content, que la soirée se déroulait bien et à l’heure, avec un son de qualité et sans aucun problème. Aussi longtemps que c’était le cas, il était parfaitement adéquat pour moi de traîner sans rien faire en coulisses tout en étant discrètement présent. Cela fait partie du mandat, je dirais même que l’usage m’invitait à le faire. Simplement être présent au cas où, sans outrepasser ma fonction, derrière la scène, près du réfrigérateur et de la machine à café…

Puis Johnny est sorti à la fin de son spectacle et le temps s’est arrêté. Pas de cris, pas de bruit, rien, c’était l’équivalent du buisson en feu, mais avec zéro texte. Tout était anormalement silencieux et, parmi tous les flatteurs qui auraient rêvé de l’adresser, Johnny a choisi de me regarder moi… droit dans les yeux. Aucune règle idiote concernant l’observation des murs cette fois, pas besoin de rusher vers les loges entouré d’une armada d’assistants personnels. Il est juste resté là, avec sa chemise de soie noire très moite à me regarder droit dans les yeux, pour ce qui m’a semblé être une éternité.

Les artistes ne font jamais ça en coulisses, jamais. Pour moi, il n’était alors qu’un homme à la guitare acoustique noire qui sortait de scène pil poil selon l’horaire prévu, mais même aujourd’hui, je frissonne un peu et je me demande ce que cela signifiait pour lui. Là maintenant, je vérifie: Wikipedia, Arkansas, champs de coton, US Air Force, grande dépression, Memphis, Grand Ole Opry, Sun Records, prison de Folsom, American Recordings et, oh non, SHIT !, le syndrome de Shy Dragger… Ironiquement, tout commence à s’aligner et à prendre sens. J’en verse presque une larme sur mon clavier ultra-slim Apple alors que je tape ce texte.

Maintenant, American Recordings prend une toute nouvelle signification pour moi. C’est précisément ce que vous obtenez lorsque vous regardez une légende dans les yeux, à Montreux, en Suisse, à 8 000 km du Tennessee, dans les années 1990.

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